POURQUOI NOUS PROCRASTINONS ?
- Isabelle Colleoni
- 5 août
- 3 min de lecture

On l’a tous fait un jour : remettre à plus tard un devoir, un dossier, un appel important… On appelle ça la procrastination. Ce n’est pas seulement de la paresse ou une mauvaise gestion du temps. Selon la psychanalyse, ce comportement cache souvent des émotions profondes, parfois inconscientes. Il suscite souvent culpabilité, honte, voire souffrance, chez celui qui en souffre.
La procrastination révèle des conflits internes, souvent inconscients, en lien avec le désir, l’angoisse, et les rapports à l’autorité.
Ce n’est pas qu’on ne veut pas… c’est qu’on a peur
La psychanalyse considère que procrastiner, c’est souvent éviter quelque chose qui nous fait peur, peur de rater.
Mais aussi, et c’est plus étonnant : peur de réussir.
Pourquoi ? Parce que réussir, ça change les choses. Ça peut faire peur, sans qu’on sache trop pourquoi.
Un combat dans notre tête
Dans notre esprit, il y a plusieurs "voix" :
Une part de nous veut agir, avancer.
Une autre, plus critique, nous freine. Elle peut nous dire : "Tu ne vas pas y arriver", "Ce ne sera pas parfait", ou "Tu n’en es pas capable".
Cette voix critique, que la psychanalyse appelle le surmoi, nous met souvent la pression.
Résultat : on bloque.
Le surmoi et l’auto-sabotage
Freud définit le surmoi comme l’instance qui intériorise les interdits parentaux et sociétaux. Chez le sujet procrastinateur, le surmoi peut être particulièrement sévère : il condamne le désir, le juge, le freine. Ainsi, repousser une tâche devient une forme d’auto-punition ou d’auto-sabotage inconscient, où l’individu échoue à faire non parce qu’il ne le peut pas, mais parce qu’il s’interdit de réussir.
Procrastiner, c’est une façon de se protéger
Repousser une tâche peut être une manière (inconsciente) de :
- éviter le jugement des autres,
- garder un rêve intact (tant qu’on ne fait pas, on peut encore imaginer que ce sera génial),
- ou éviter l’échec, tout simplement.
Mais à force de repousser, on se sent souvent coupable, nul ou stressé. On entre alors dans un cercle vicieux.
La procrastination peut apparaître comme un compromis : ne pas faire pour éviter l’angoisse, tout en gardant l’illusion que l’on pourrait faire plus tard. Mais ce "plus tard" devient un espace psychique chargé d’angoisse et de culpabilité, creusant un sentiment d’impuissance croissante.
Que dit la psychanalyse pour s’en sortir ?
Plutôt que de se forcer ou de se blâmer, la psychanalyse propose de se poser les bonnes questions :
- Qu’est-ce qui me bloque vraiment ?
- Qu’est-ce que je ressens à l’idée de faire cette tâche ?
- Est-ce que j’ai peur de mal faire ? D’être jugé ? De réussir ?
En explorant ce qui se passe à l’intérieur de nous, on peut petit à petit :
- mieux comprendre nos blocages,
- être plus bienveillant avec soi-même,
- et retrouver le goût d’agir.
Conclusion
Procrastiner, ce n’est pas juste être "fainéant". C’est souvent un signal de notre monde intérieur : un mélange de doutes, de peurs, et parfois, de besoins de protection. La psychanalyse nous invite à écouter ce message, au lieu de le juger. Parce qu’en comprenant ce qu’il y a derrière l’inaction, on peut avancer plus librement.

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